dimanche 21 septembre 2014

Bulletin n° 64: Pourquoi l'extrême droite est-elle forte en France ?

Aux élections européennes, le FN a obtenu 25% des suffrages exprimés. C'est inquiétant, y compris pour une élection où l'abstention a été très forte.

                  Pourquoi l'extrême droite 
                   est-elle forte en France?

     Si la France est souvent citée pour la révolution de 1789, sa devise Liberté, Egalité,  Fraternité, le Front Populaire, le Conseil National de la Résistance.., elle a aussi une tradition coloniale, esclavagiste, de grande puissance avec un Etat ancien et fort.    
 
     A chaque époque, son lot de "raisons". Le poujadisme est un mouvement politique de droite constitué en France à la fin de la IVe République et fondé sur la défense des commerçants et des artisans qu'il considérait comme mis en danger par le développement des grandes surfaces dans la France de l'après-guerre. Son syndicat, l' "Union de défense des commerçants et artisans" (UDCA) naquit d'une révolte antifiscale face aux facilités dont profitaient ce qui allaient devenir les géants de la grande distribution en France. En pleine guerre d’Indochine puis d’Algérie, dans une 4ème république en crise, ce mouvement a défendu des positions colonialistes mais il n’était alors pas le seul. (Suite page 2)


     Dans les années 1970, avec le développement du marché commun européen, un mouvement nationaliste, sous l'égide d'un ancien député poujadiste, Jean-Marie Le Pen, s'est développé en France. Le nom de Jean-Marie Le Pen est associé à celui du Front National (FN) qui, au départ, était une création du groupuscule d'extrême droite "Ordre nouveau" qui a lui-même rallié le groupe "Militant" dirigé par d'anciens Waffen SS, tels que Pierre Bousquet et Jean Castillot, des capitulards face à l’Allemagne nazis. S’étaient aussi ralliés des militants de l’OAS, représentant ces ultras de l’Algérie française qui n’avaient pas hésité à pratiquer le terrorisme en Algérie et en France.

     La naissance et le développement du FN était une réponse au développement de la construction européenne, à la montée en puissance de la Commission européenne et de Bruxelles comme centres de décision, à la perte relative de la souveraineté politique, économique et monétaire de la France. Dans les années 1980, le FN, en quête de reconnaissance des multinationales, était un promoteur du néolibéralisme à la Reagan et à la Thatcher.  Après la victoire du néolibéralisme au niveau mondial, JM Le Pen a proposé ensuite de faire du social pour avoir des élus.

     La France a cédé sa souveraineté monétaire à la Banque Centrale Européenne (BCE), la naissance de la monnaie unique, l'ouverture des frontières aux travailleurs de l'Union, les délocalisations massives des postes de travail, l'imposition par Bruxelles des plans d'austérité économique et leurs conséquences négatives sur la vie de tous les jours de nos concitoyens - le développement d'un chômage endémique et de la précarité - ont contribué à l'enracinement du FN dans une partie de la population qui a cru aux discours à connotation sociale mensongère du parti d'extrême droite.

     Pour Marine Le Pen "La mondialisation est un cauchemar."(1) Car le lepénisme prétend représenter les secteurs économiques de la société qui craignent l'ouverture des frontières à la concurrence "libre et non faussée" des pays voisins et des pays à bas coût de production. Bref, le lepénisme s'adresse à " tous ceux qui craignent de ne pas pouvoir s'adapter et risquent le déclassement".

     Les lepénistes se présentent comme les seuls à défendre "la France effectivement libre et souveraine" car les partis de gouvernement comme l'UMP, le PS, une partie des Verts ou les centristes (UDI) se sont alignés complètement sur les positions néolibérales de Bruxelles, approuvant et appliquant ses décisions.

     Pour certains salariés en détresse, les précaires et les chômeurs, le FN est devenu une "alternative", qui montre une "voie" différente de celle des partis de gouvernement, même si les projets du FN conduisent, selon les experts économiques (consulter nos publications), à l'impasse.

     La complicité de la classe politique avec les institutions supra nationales européennes et les affaires qui entachent l'intégrité des élus, ont fini par dévaloriser les institutions et ajouter de l'eau au moulin de l'extrême droite. "Les années Sarkozy ont installé l'affairisme sans scrupule au cœur même du pouvoir, quand deux Français sur trois jugent les responsables politiques "corrompus", quand quatre sur cinq ne font pas confiance aux partis politiques,..."(2)

     Les enquêtes d'opinion montrent que les électeurs du FN ont intériorisé le projet nationaliste, raciste et xénophobe lepéniste. Les sentiments antieuropéens se développent par rapport à une Europe qui punit, qui taxe, qui développe le chômage et la précarité, via des plans d'austérité imposés par la BCE.

     L'analyste Olivier Dard, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paul-Verlaine-Metz, observe une radicalisation antilibérale du discours du FN, exprimée dans des tracts: l' "obligation d'intervention de l'Etat contre les raids boursiers étrangers", la "mise en place d'un plan de conservation du pouvoir d'achat au travers de l'application de la préférence nationale (sont concernés ici l'emploi, le logement et les aides sociales), la "suppression" de la TVA sur les produits alimentaires de première nécessité et le retour au contrôle des prix par l'Etat.(3)

     Le FN est un parti opportuniste et son discours social est une supercherie. Ce parti ne défend pas la protection sociale, exploite les problèmes des salariés à des fins électoralistes, qualifie ceux de nos concitoyens qui touchent des aides sociales d' "assistés" et de fainéants. Le FN est du côté du système capitaliste, du patronat et du néolibéralisme économique. Preuve en est qu'il ne soutient pas les luttes sociales, dénigre les syndicats et essaie de mettre en place des syndicats corporatistes (type vichyste) qui rassemblent les patrons et les ouvriers.

     L'Union européenne et ses traités autorisant la "concurrence libre et non faussée", la "disparition" programmée des frontières et de la souveraineté nationale en matière politique et économique au profit de l'Union; bref la disparition de l'ancien monde au profit d'un capitalisme débridé et ultralibéral sont autant de facteurs qui favorisent le développement de l'extrême droite en France et en Europe.

     Autrement dit, le vote d'extrême droite en France est un vote de nature économique (la crise vécue ou redoutée, les plans d'austérité, la précarité,...) et identitaire (sentiments anti-européens, anti-euro, anti-immigrés,  conservation des valeurs nationales, la peur d'un monde qui change et que l'on ne maîtrise pas).

     Pourtant, la construction européenne et la crise économique n'expliquent pas tout et ne sont que deux piliers du développement de l'extrême droite dans notre pays. Le troisième pilier repose sur la bataille que mène la droite dans son ensemble, depuis mai 68, contre l'hégémonie culturelle de la gauche.

     Pour mener ladite bataille, des clubs ont fleuri. "Il y a aussi la percée, avec l'appui du Figaro Magazine, de la Nouvelle Droite, et de ce que son théoricien, Alain de Benoist, appelle un "gramscisme de droite", en référence au communiste Antonio Gramsci: avant de gagner électoralement, la droite doit conquérir les esprits"(4)

     Suite à l'effondrement de l'Union soviétique et à l'échec du projet sociétal de la gauche, celle-ci a perdu la bataille idéologique face à la droite. L'extrême droite nationaliste et identitaire surfe sur la vague du vide idéologique de la gauche dont certains aspects de son ancien projet de société (l'Etat social fort et interventionniste, préservation du pouvoir d'achat des salariés, etc.,) sont copiés par l'extrême droite.

     Que faire en attendant un nouveau projet cohérent de société égalitaire? Deux axes complémentaires se présentent à nous:

1- poursuivre notre combat
2- Réaffirmer nos valeurs:

1- Poursuivre notre combat pour la préservation des libertés démocratiques, de l'égalité de droit de tous les citoyens et de la justice sociale.

2- Réaffirmer nos valeurs qui font notre identité collective :

-        dénoncer les discours mensongers
-        combattre les peurs de l'autre qui alimentent le discours nationaliste,
-        rejeter les politiques économiques d'austérité qui accentuent les inégalités,
-        promouvoir la coopération entre les peuples et les échanges culturels qui mènent au "vivre ensemble".

                                                                                     Comité de vigilance


Bibliographie :

(1) Le Grand rendez-vous Europe 1. "Le Monde", I-Télé, rapporté par le Monde du 08 avril 2014.
(2) Editorial du quotidien Le Monde du 29 mai 2014.
(3) Le Monde du 15 janvier 2011.
(4) Serge Audier - philosophe, auteur de la "pensée anti-68" - Le Monde du 30 mai 2014.


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