Aux élections européennes, le FN a obtenu 25% des
suffrages exprimés. C'est inquiétant, y compris pour une élection où
l'abstention a été très forte.
Pourquoi l'extrême droite
est-elle forte en France?
Si la
France est souvent citée pour la révolution de 1789, sa devise Liberté,
Egalité, Fraternité, le Front Populaire,
le Conseil National de la Résistance.., elle a aussi une tradition coloniale,
esclavagiste, de grande puissance avec un Etat ancien et fort.
A chaque époque, son
lot de "raisons". Le poujadisme est un mouvement politique de droite constitué en France à la fin de la IVe
République et fondé sur la défense des commerçants et des artisans qu'il
considérait comme mis en danger par le développement des grandes surfaces dans
la France de l'après-guerre. Son syndicat, l' "Union de défense des
commerçants et artisans" (UDCA) naquit d'une révolte antifiscale face aux facilités dont profitaient ce qui
allaient devenir les géants de la grande distribution en France. En pleine
guerre d’Indochine puis d’Algérie, dans une 4ème république en
crise, ce mouvement a défendu des positions colonialistes mais il n’était alors
pas le seul. (Suite page 2)
Dans
les années 1970, avec le développement du marché commun européen, un mouvement
nationaliste, sous l'égide d'un ancien député poujadiste, Jean-Marie Le Pen,
s'est développé en France. Le nom de Jean-Marie Le Pen est associé à celui du
Front National (FN) qui, au départ, était une création du groupuscule d'extrême
droite "Ordre nouveau" qui a lui-même rallié le groupe
"Militant" dirigé par d'anciens Waffen SS, tels que Pierre Bousquet
et Jean Castillot, des capitulards face à l’Allemagne nazis. S’étaient aussi
ralliés des militants de l’OAS, représentant ces ultras de l’Algérie française
qui n’avaient pas hésité à pratiquer le terrorisme en Algérie et en France.
La naissance et le développement du FN
était une réponse au développement de la construction européenne, à la montée
en puissance de la Commission européenne et de Bruxelles comme centres de
décision, à la perte relative de la souveraineté politique, économique et
monétaire de la France. Dans les années 1980, le FN, en quête de reconnaissance
des multinationales, était un promoteur du néolibéralisme à la Reagan et à la
Thatcher. Après la victoire du
néolibéralisme au niveau mondial, JM Le Pen a proposé ensuite de faire du
social pour avoir des élus.
La France a cédé sa souveraineté monétaire
à la Banque Centrale Européenne (BCE), la naissance de la monnaie unique,
l'ouverture des frontières aux travailleurs de l'Union, les délocalisations
massives des postes de travail, l'imposition par Bruxelles des plans
d'austérité économique et leurs conséquences négatives sur la vie de tous les
jours de nos concitoyens - le développement d'un chômage endémique et de la
précarité - ont contribué à l'enracinement du FN dans une partie de la
population qui a cru aux discours à connotation sociale mensongère du parti
d'extrême droite.
Pour Marine Le Pen "La mondialisation est un cauchemar."(1)
Car le lepénisme prétend représenter les secteurs économiques de la
société qui craignent l'ouverture des frontières à la concurrence "libre et non faussée" des pays voisins
et des pays à bas coût de production. Bref, le lepénisme s'adresse à "
tous ceux qui craignent de ne pas pouvoir
s'adapter et risquent le déclassement".
Les lepénistes se présentent comme les
seuls à défendre "la France
effectivement libre et souveraine" car les partis de gouvernement
comme l'UMP, le PS, une partie des Verts ou les centristes (UDI) se sont
alignés complètement sur les positions néolibérales de Bruxelles, approuvant et
appliquant ses décisions.
Pour certains salariés en détresse, les
précaires et les chômeurs, le FN est devenu une "alternative", qui
montre une "voie" différente de celle des partis de gouvernement,
même si les projets du FN conduisent, selon les experts économiques (consulter
nos publications), à l'impasse.
La
complicité de la classe politique avec les institutions supra nationales
européennes et les affaires qui entachent l'intégrité des élus, ont fini par
dévaloriser les institutions et ajouter de l'eau au moulin de l'extrême droite.
"Les années Sarkozy ont installé l'affairisme sans scrupule au cœur même
du pouvoir, quand deux Français sur trois jugent les responsables politiques
"corrompus", quand quatre
sur cinq ne font pas confiance aux partis politiques,..."(2)
Les enquêtes d'opinion montrent que les
électeurs du FN ont intériorisé le projet nationaliste, raciste et xénophobe
lepéniste. Les sentiments antieuropéens se développent par rapport à une Europe
qui punit, qui taxe, qui développe le chômage et la précarité, via des plans
d'austérité imposés par la BCE.
L'analyste Olivier Dard, professeur
d'histoire contemporaine à l'université Paul-Verlaine-Metz, observe une
radicalisation antilibérale du discours du FN, exprimée dans des tracts: l'
"obligation d'intervention de l'Etat
contre les raids boursiers étrangers", la "mise en place d'un plan de conservation du pouvoir d'achat au travers
de l'application de la préférence nationale (sont concernés ici l'emploi,
le logement et les aides sociales), la "suppression" de la TVA sur les produits alimentaires de
première nécessité et le retour au contrôle des prix par l'Etat.(3)
Le FN est un parti opportuniste et son discours social est une
supercherie. Ce parti ne défend pas la
protection sociale, exploite les problèmes des salariés à des fins
électoralistes, qualifie ceux de nos concitoyens qui touchent des aides
sociales d' "assistés" et de fainéants. Le FN est du côté du système
capitaliste, du patronat et du néolibéralisme économique. Preuve en est qu'il
ne soutient pas les luttes sociales, dénigre les syndicats et essaie de mettre
en place des syndicats corporatistes (type vichyste) qui rassemblent les
patrons et les ouvriers.
L'Union européenne et ses traités autorisant
la "concurrence libre et non faussée",
la "disparition" programmée des frontières et de la souveraineté
nationale en matière politique et économique au profit de l'Union; bref la
disparition de l'ancien monde au profit d'un capitalisme débridé et ultralibéral
sont autant de facteurs qui favorisent le développement de l'extrême droite en
France et en Europe.
Autrement dit, le vote d'extrême droite en
France est un vote de nature économique
(la crise vécue ou redoutée, les plans d'austérité, la précarité,...) et identitaire (sentiments anti-européens,
anti-euro, anti-immigrés, conservation
des valeurs nationales, la peur d'un monde qui change et que l'on ne maîtrise
pas).
Pourtant, la construction européenne et la
crise économique n'expliquent pas tout et ne sont que deux piliers du
développement de l'extrême droite dans notre pays. Le troisième pilier repose
sur la bataille que mène la droite dans son ensemble, depuis mai 68, contre
l'hégémonie culturelle de la gauche.
Pour mener ladite bataille, des clubs ont
fleuri. "Il y a aussi la percée, avec l'appui du Figaro Magazine, de la Nouvelle Droite, et de ce que son
théoricien, Alain de Benoist, appelle un "gramscisme de droite", en
référence au communiste Antonio Gramsci: avant de gagner électoralement, la
droite doit conquérir les esprits"(4)
Suite à l'effondrement de l'Union
soviétique et à l'échec du projet sociétal de la gauche, celle-ci a perdu la
bataille idéologique face à la droite. L'extrême droite nationaliste et
identitaire surfe sur la vague du vide idéologique de la gauche dont certains
aspects de son ancien projet de société (l'Etat social fort et
interventionniste, préservation du pouvoir d'achat des salariés, etc.,) sont
copiés par l'extrême droite.
Que faire en attendant un nouveau
projet cohérent de société égalitaire? Deux axes complémentaires se présentent
à nous:
1-
poursuivre notre combat
2-
Réaffirmer nos valeurs:
1-
Poursuivre
notre combat pour la préservation des libertés démocratiques, de l'égalité de
droit de tous les citoyens et de la justice sociale.
2-
Réaffirmer
nos valeurs qui font notre identité collective :
-
dénoncer les
discours mensongers
-
combattre les
peurs de l'autre qui alimentent le discours nationaliste,
-
rejeter les
politiques économiques d'austérité qui accentuent les inégalités,
-
promouvoir la
coopération entre les peuples et les échanges culturels qui mènent au
"vivre ensemble".
Comité
de vigilance
Bibliographie
:
(1)
Le Grand rendez-vous Europe 1. "Le
Monde", I-Télé, rapporté par le
Monde du 08 avril 2014.
(2)
Editorial du quotidien Le Monde du 29
mai 2014.
(3)
Le Monde du 15 janvier 2011.
(4)
Serge Audier - philosophe, auteur de la "pensée anti-68" - Le Monde du 30 mai 2014.
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