Info
N° 50 – janvier 2013
Bulletin de Justice & Libertés, Comité de vigilance contre
l’extrême droite
et pour le respect de l’Etat de Droit
L’antisémitisme en Alsace :
Les
non-dits d’une histoire
Quelqu’un a dit que «le summum du nazisme c’est
l’antisémitisme.» Rien qu’en France, sur les 75 721 Juifs déportés vers les
camps nazis- dont 11 400 enfants- entre 2500 et 3000 ont survécus.
En a-t-on tiré des leçons? Le témoignage des familles juives
alsaciennes de retour en Alsace accable l’antisémitisme ambiant d’alors. Ainsi,
«Guy L. se souvient de ce retour. «Dans la cour de l’école, certains enfants
me traitaient ouvertement de sale juif. L’instituteur me tirait les cheveux
et les oreilles dès qu’il en avait l’occasion. Personne ne pensait que nous
reviendrions.» De nombreuses familles juives alsaciennes racontent des
histoires similaires. (Les saisons d’Alsace d’été 2005).
Depuis soixante-cinq ans, au silence sur «la nazification et la
collaboration» en Alsace, s’ajoute celui sur l’antisémitisme et la purification
ethnique durant la période 1940-1945. Pour un autre survivant, «Le
silence témoigne d’un deuil interminable. (…) Ce qui a été refoulé
resurgit avec la même force d’une manière ou d’une autre, à la génération
suivante. (…) Les profanations, nombreuses dans notre région, sont
peut-être à leur tour, le symptôme de ce deuil impossible et d’un blanc dans le
récit?» (Les saisons d’Alsace- été 2005). (Suite page 2)
Non à
l’homophobie
Oui
à l’égalité des droits
Le projet de loi instituant «l’égalité pour tous»
représente l’honneur de la société française, car il montre qu’elle a franchi
un pas de plus sur la voie du respect de tous ses membres. (Suite page 3)
Certes, l’antisémitisme a des racines profondes en Alsace et son
traitement requiert une thérapie profonde et prolongée de la société.
L’Histoire nous apprend qu’«au milieu du XIVe siècle, les Juifs de
Strasbourg, dans leur quasi-totalité, deux mille personnes environ, furent brûlés
vifs par une population les accusant d’avoir empoisonné les puits et causé la
peste noire. Bannis de la ville quatre siècles durant, les Juifs alsaciens, du
fait de la grande réticence des pouvoirs locaux, furent les derniers en France
à bénéficier de l’égalité civile et religieuse décrétée par la révolution
française.»(1)
Actuellement, où en est l’antisémitisme en Alsace? Un retour sur
l’histoire nous apprend que les juifs et les chrétiens ont vécu plusieurs
décennies dans la campagne alsacienne. Cette cohabitation a été interrompue
brutalement, suite à l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne nazie et le départ
des Juifs. Michel Wieviorka revient sur ce passé «pour lequel un deuil
n’a pas été conduit».
Les points forts de la recherche menée en Alsace par Michel
Wieviorka (1) sont les suivants :
-
Le souvenir de cette cohabitation devient une
occultation car il n’a pas nourri un travail de la population sur elle-même.
-
Ce qui frappe d’abord est le silence [encore le
silence !] gêné autour du thème de l’antisémitisme, et les procédés de
dénégation qu’il suscite. Il y a également la dénégation du drame vécu par les
Juifs ; drame comparé à autre chose (1), ou pour en déplorer le
caractère, sinon exagéré, du moins anachronique (1).
-
Les sentiments de «culpabilité» et de «mauvaise
conscience»- vis-à-vis du nazisme, comme du sort des Juifs- sont occultés par
un puissant sentiment de victimisation. Le nœud central de ce processus
d’occultation inclut la mémoire des «malgré-nous».
«Silence», «dénégation», «occultation»: voici les trois piliers de
l’antisémitisme en Alsace.
Les générations de l’après-guerre ont-elles été épargnées par le
silence, l’occultation et la dénégation des parents et des grands-parents?
« Une chose est sûre. Les enfants de ces parents silencieux, quoi
qu’ils fassent, vivent avec cet héritage. (…) c’est un leurre
d’imaginer que la guerre est un vieux souvenir. Les enfants continuent à
véhiculer une partie des traumatismes» (Les saisons d’Alsace d’été 2005).
Dès lors, trois attitudes se dégagent.
-
certains Alsaciens manifestent la volonté
d’approfondir les connaissances relatives au judaïsme.
-
certains Alsaciens de confession juive ont organisé,
pour leurs enfants, des séjours linguistiques en Allemagne.
-
une troisième catégorie, nostalgique du troisième
Reich, continue à s’exprimer avec des croix gammées et des croix celtiques.
Michel Wieviorka rapporte les propos d’une savernoise : «…Il est sûr
que quand Hitler il était là-je ne parle pas maintenant de tous les génocides,
je ne parle pas des exterminations-mais il y avait un certain ordre, un certain
respect. Ça c’est vrai.» Et le chercheur de rajouter : c’est ainsi que
l’on regrette les méthodes fortes, comme dans ces villages où la cohabitation
avec les gens du voyage tourne ces derniers temps à la catastrophe et où,
témoigne un Alsacien, né pendant la guerre…, «vous avez des réactions… «il
faudrait que Hitler revienne »… «il faudrait que Hitler revienne pour
les gazer ».
Il est à souligner qu’une personne présente
au congrès constitutif du parti extrême droite «Alsace d’abord», avait clamé,
sans vergogne: «Hitler avait raison» !
Faut-il s’étonner «si la région n’a pas le
monopole des profanations de cimetières juifs, elle est à l’évidence pionnière
en la matière, depuis fort longtemps, et elles y demeurent les plus nombreuses
et les plus fréquentes»? (1)..
En guise de conclusion :
Le silence conduit au «deuil impossible» qui, à son tour, laisse le
champ libre aux profanateurs, «symptôme de ce deuil impossible». Dès lors, une
chose parait évidente : tant que lesdits silences perdurent, tant que les
Alsaciens n’ouvrent pas grand les pages sombres de leur histoire, ils
continueront à se comporter en marge de l’histoire, sous peine de «devenir
les «Malgré-Nous» d’un XXIe siècle qui a vraiment mal démarré.»
(Bernard Reumaux- Les saisons d’Alsace- été 2005).
En effet, la réconciliation franco-allemande n’a pas été suivie par
celle de l’Alsace avec elle-même et avec la «France de l’intérieur». L’Alsace
continue à être murée dans le silence, l’occultation et la dénégation. Le terme
«France de l’intérieur» évoque un mur de séparation, transformé en mur de
lamentation : «personne ne nous aime». Comme le dit à juste titre Bernard
Reumaux, l’Alsace n’est ni une terre d’exception («nous sommes les
meilleurs»), ni une réserve de victimes incomprises. Les Alsaciens ne sont pas,
non plus, «des victimes de l’Histoire… L’Alsace ne doit pas oublier les autres
victimes de l’Histoire en France» (Marc Ferro).
Après la «fin du silence», il est venu le temps d’agir. Agir pour
débattre de l’histoire récente, de toutes les souffrances, même celles qui
dérangent, pour qu’il n’y ait plus de silence, plus d’occultation, plus de
dénégation. Il faudrait briser le mur qui sépare l’Alsace de la «France de
l’intérieur». Vaste programme que pourraient-et devraient- assumer les élus
(locaux, régionaux, nationaux) et les citoyens engagés, dans chaque commune,
voire dans chaque quartier. A.R.
(1) Michel Wieviorka- La tentation antisémite-
Robert Laffont.
Non à l’homophobie… (Suite
de la 1ère page)
Le projet de loi
s’inscrit dans la longue marche de la société vers l’intégration de ses enfants
homosexuels, longtemps ignorés, méprisés et discriminés.
En effet, à chaque étape
du développement social, une couche sociale sort de l’ombre, est acceptée par
la société, sans que pour autant, les discriminations dont elle faisait
l’objet, ne disparaissent entièrement.
C’est maintenant au tour
des homosexuels de sortir de l’ombre et la société doit les accepter à égalité
de tous.
Depuis le lancement du débat sur l’«égalité pour tous»,
les forces réactionnaires et homophobes de tous bords- les catholiques
intégristes, les traditionnalistes, la conférence des évêques, l’extrême droite
- ont trouvé l’occasion de s’opposer au progrès social.
Les traditionnalistes voient dans l’élargissement du mariage un
pas de plus dans la réduction du pré carré de l’Eglise catholique, de la
Synagogue et de la Mosquée, qui-au prix de pressions morales d’un autre temps-
souhaitent maintenir l’emprise d’idées retardataires sur la société.
Pour ne pas paraître réactionnaire, le cardinal André
Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, se pose en
défenseur des «droits fondamentaux des enfants». Oubliant le caractère
laïc de la République, le cardinal regrette l’absence de concertation avec
l’Eglise, alors que le débat sur l’«égalité des droits » est verrouillé au
sein même de l’Eglise.
La manifestation du 13 janvier à Paris a rassemblé tous les
réactionnaires, depuis l’UMP fracturée, la conférence des évêques, les
intégristes de CIVITAS et d’Alliance Vita, jusqu’au Front national, les
identitaires et les «Jeunesses nationalistes», les ultras de l’extrême droite.
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