samedi 26 janvier 2013

Bulletin 50- janvier 2013


Vigilance
                      Info
N° 50 – janvier 2013
Bulletin de Justice & Libertés, Comité de vigilance contre l’extrême droite
et pour le respect de l’Etat de Droit
                                                                                                                                                      

L’antisémitisme en Alsace :
Les non-dits d’une histoire



Quelqu’un a dit que «le summum du nazisme c’est l’antisémitisme.» Rien qu’en France, sur les 75 721 Juifs déportés vers les camps nazis- dont 11 400 enfants- entre 2500 et 3000 ont survécus.

En a-t-on tiré des leçons? Le témoignage des familles juives alsaciennes de retour en Alsace accable l’antisémitisme ambiant d’alors. Ainsi, «Guy L. se souvient de ce retour. «Dans la cour de l’école, certains enfants me traitaient ouvertement de sale juif. L’instituteur me tirait les cheveux et les oreilles dès qu’il en avait l’occasion. Personne ne pensait que nous reviendrions.» De nombreuses familles juives alsaciennes racontent des histoires similaires. (Les saisons d’Alsace d’été 2005).

Depuis soixante-cinq ans, au silence sur «la nazification et la collaboration» en Alsace, s’ajoute celui sur l’antisémitisme et la purification ethnique durant la période 1940-1945. Pour un autre survivant, «Le silence témoigne d’un deuil interminable. (…) Ce qui a été refoulé resurgit avec la même force d’une manière ou d’une autre, à la génération suivante. (…) Les profanations, nombreuses dans notre région, sont peut-être à leur tour, le symptôme de ce deuil impossible et d’un blanc dans le récit?» (Les saisons d’Alsace- été 2005). (Suite page 2)


             Non à l’homophobie
         Oui à l’égalité des droits

Le projet de loi instituant «l’égalité pour tous» représente l’honneur de la société française, car il montre qu’elle a franchi un pas de plus sur la voie du respect de tous ses membres. (Suite page 3)
Certes, l’antisémitisme a des racines profondes en Alsace et son traitement requiert une thérapie profonde et prolongée de la société. L’Histoire nous apprend qu’«au milieu du XIVe siècle, les Juifs de Strasbourg, dans leur quasi-totalité, deux mille personnes environ, furent brûlés vifs par une population les accusant d’avoir empoisonné les puits et causé la peste noire. Bannis de la ville quatre siècles durant, les Juifs alsaciens, du fait de la grande réticence des pouvoirs locaux, furent les derniers en France à bénéficier de l’égalité civile et religieuse décrétée par la révolution française.»(1)

Actuellement, où en est l’antisémitisme en Alsace? Un retour sur l’histoire nous apprend que les juifs et les chrétiens ont vécu plusieurs décennies dans la campagne alsacienne. Cette cohabitation a été interrompue brutalement, suite à l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne nazie et le départ des Juifs. Michel Wieviorka revient sur ce passé «pour lequel un deuil n’a pas été conduit».

Les points forts de la recherche menée en Alsace par Michel Wieviorka (1) sont les suivants :
-       Le souvenir de cette cohabitation devient une occultation car il n’a pas nourri un travail de la population sur elle-même.
-       Ce qui frappe d’abord est le silence [encore le silence !] gêné autour du thème de l’antisémitisme, et les procédés de dénégation qu’il suscite. Il y a également la dénégation du drame vécu par les Juifs ; drame comparé à autre chose (1), ou pour en déplorer le caractère, sinon exagéré, du moins anachronique (1).
-       Les sentiments de «culpabilité» et de «mauvaise conscience»- vis-à-vis du nazisme, comme du sort des Juifs- sont occultés par un puissant sentiment de victimisation. Le nœud central de ce processus d’occultation inclut la mémoire des «malgré-nous».
«Silence», «dénégation», «occultation»: voici les trois piliers de l’antisémitisme en Alsace.
Les générations de l’après-guerre ont-elles été épargnées par le silence, l’occultation et la dénégation des parents et des grands-parents? « Une chose est sûre. Les enfants de ces parents silencieux, quoi qu’ils fassent, vivent avec cet héritage. (…) c’est un leurre d’imaginer que la guerre est un vieux souvenir. Les enfants continuent à véhiculer une partie des traumatismes» (Les saisons d’Alsace d’été 2005).

Dès lors, trois attitudes se dégagent.
-       certains Alsaciens manifestent la volonté d’approfondir les connaissances relatives au judaïsme.
-       certains Alsaciens de confession juive ont organisé, pour leurs enfants, des séjours linguistiques en Allemagne.
-       une troisième catégorie, nostalgique du troisième Reich, continue à s’exprimer avec des croix gammées et des croix celtiques. Michel Wieviorka rapporte les propos d’une savernoise : «…Il est sûr que quand Hitler il était là-je ne parle pas maintenant de tous les génocides, je ne parle pas des exterminations-mais il y avait un certain ordre, un certain respect. Ça c’est vrai.» Et le chercheur de rajouter : c’est ainsi que l’on regrette les méthodes fortes, comme dans ces villages où la cohabitation avec les gens du voyage tourne ces derniers temps à la catastrophe et où, témoigne un Alsacien, né pendant la guerre…, «vous avez des réactions… «il faudrait que Hitler revienne »… «il faudrait que Hitler revienne pour les gazer ».
Il est à souligner qu’une personne présente au congrès constitutif du parti extrême droite «Alsace d’abord», avait clamé, sans vergogne: «Hitler avait raison» !
Faut-il s’étonner «si la région n’a pas le monopole des profanations de cimetières juifs, elle est à l’évidence pionnière en la matière, depuis fort longtemps, et elles y demeurent les plus nombreuses et les plus fréquentes»?  (1)..

En guise de conclusion :

Le silence conduit au «deuil impossible» qui, à son tour, laisse le champ libre aux profanateurs, «symptôme de ce deuil impossible». Dès lors, une chose parait évidente : tant que lesdits silences perdurent, tant que les Alsaciens n’ouvrent pas grand les pages sombres de leur histoire, ils continueront à se comporter en marge de l’histoire, sous peine de «devenir les «Malgré-Nous» d’un XXIe siècle qui a vraiment mal démarré.» (Bernard Reumaux- Les saisons d’Alsace- été 2005).

En effet, la réconciliation franco-allemande n’a pas été suivie par celle de l’Alsace avec elle-même et avec la «France de l’intérieur». L’Alsace continue à être murée dans le silence, l’occultation et la dénégation. Le terme «France de l’intérieur» évoque un mur de séparation, transformé en mur de lamentation : «personne ne nous aime». Comme le dit à juste titre Bernard Reumaux, l’Alsace n’est ni une terre d’exception («nous sommes les meilleurs»), ni une réserve de victimes incomprises. Les Alsaciens ne sont pas, non plus, «des victimes de l’Histoire… L’Alsace ne doit pas oublier les autres victimes de l’Histoire en France» (Marc Ferro). 

Après la «fin du silence», il est venu le temps d’agir. Agir pour débattre de l’histoire récente, de toutes les souffrances, même celles qui dérangent, pour qu’il n’y ait plus de silence, plus d’occultation, plus de dénégation. Il faudrait briser le mur qui sépare l’Alsace de la «France de l’intérieur». Vaste programme que pourraient-et devraient- assumer les élus (locaux, régionaux, nationaux) et les citoyens engagés, dans chaque commune, voire dans chaque quartier.                                                                                                                                A.R.

(1)   Michel Wieviorka- La tentation antisémite- Robert Laffont. 

Non à l’homophobie… (Suite de la 1ère page)
Le projet de loi s’inscrit dans la longue marche de la société vers l’intégration de ses enfants homosexuels, longtemps ignorés, méprisés et discriminés.

En effet, à chaque étape du développement social, une couche sociale sort de l’ombre, est acceptée par la société, sans que pour autant, les discriminations dont elle faisait l’objet, ne disparaissent entièrement.

C’est maintenant au tour des homosexuels de sortir de l’ombre et la société doit les accepter à égalité de tous.

Depuis le lancement du débat sur l’«égalité pour tous», les forces réactionnaires et homophobes de tous bords- les catholiques intégristes, les traditionnalistes, la conférence des évêques, l’extrême droite - ont trouvé l’occasion de s’opposer au progrès social.
Les traditionnalistes voient dans l’élargissement du mariage un pas de plus dans la réduction du pré carré de l’Eglise catholique, de la Synagogue et de la Mosquée, qui-au prix de pressions morales d’un autre temps- souhaitent maintenir l’emprise d’idées retardataires sur la société.

Pour ne pas paraître réactionnaire, le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, se pose en défenseur des «droits fondamentaux des enfants». Oubliant le caractère laïc de la République, le cardinal regrette l’absence de concertation avec l’Eglise, alors que le débat sur l’«égalité des droits » est verrouillé au sein même de l’Eglise.

La manifestation du 13 janvier à Paris a rassemblé tous les réactionnaires, depuis l’UMP fracturée, la conférence des évêques, les intégristes de CIVITAS et d’Alliance Vita, jusqu’au Front national, les identitaires et les «Jeunesses nationalistes», les ultras de l’extrême droite.

Fidèle à sa mission de défense d’une société diverse, tolérante et respectueuse du vivre ensemble, Justice & Libertés estime qu’il est du devoir de tous les démocrates et progressistes de se mobiliser afin de soutenir la juste cause des gays et des lesbiennes. Ce combat dépasse largement le cadre étroit de reconnaissance d’une couche sociale. Ce combat est celui de toute la société, en marche vers plus de tolérance et d’harmonie. C’est un combat qui a commencé en 1789 et nous avons l’honneur de poursuivre son message universel de Liberté, d’égalité, de fraternité

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